Cours du 28 novembre 2022
Un cours installe une routine. Ou du moins c’est ce que j’imagine. De petits rites qui nous permettent d’aller plus vite, de trouver sa place et de contribuer aux échanges et aux apprentissages. Ce jour-là, nous avons changé de salle. Plus grande, elle est plus simple à aménager pour retrouver un tour de chaise. Anna, une étudiante italienne anciennement dans le Master se joint à nous pour la matinée. D’autres sont absent-es notamment deux de celles qui devaient présenter un exposé.
On commence le cours par l’éveil de la liberté, un jeu qui nous permet de nous mettre en mouvement avec douceur et progressivement plus de vivacité.
Puis c’est l’exposé autour des rapports de justice entre humains et les autres entités du vivants. L’exposé est long, détaillé, ouvrant de nombreuses pistes de réflexions. Les étudiantes ont trouvé es formes pour faire exister les vies animales et végétales. Elles ont proposé de lire à tour de rôle et à haute voix plusieurs extraits d’un ouvrage ou un hibou ou un lombric s’expriment lors d’un procès. Elles diffusent également un extrait d’un documentaire où on entend un éleveur parler de ses vaches, de leurs prénoms, de la douleur de les voir partir à l’abattoir.
Puis c’est la pause. Des liens se nouent avec certains étudiantes. On me propose de rencontrer d’autres professeurs dont les cours croisent les miens. On évoque les lieux de stage qui vont démarrer en janvier. Le cours se dépersonnalise. On apprend à se connaître et à échanger comme personne et non plus uniquement dans le rapport professoral à la fois nécessaire et étriqué.
Je partage quelques unes de mes réflexions sur le sujet [cf l’article dédié].
S’exprime alors des contradictions qui me font du bien et qui m’aide. Pourquoi accorder autant de place à la valeur dans mes cours ? Je ne l’avais pas remarqué mais c’est vrai que l’un des fondements d’une politique vise à protéger ou accroître ce à quoi on accorde de la valeur, dont Patrick Viveret ramenait la signification à force de vie. Si la valeur c’est ce qu’on compte – notamment dans le PIB – alors les politiques menées n’accorderont pas d’importance au vivant. Si la valeur c’est ce qui compte alors on se donne des chances de conserver une terre habitable et une vie libre. Il n’y a pas de théorie de la justice sans théorie de la valeur.
Une étudiante me fait remarquer que j’ai été trop catégorique sur l’anti-spécisme qui ne se réduit pas à la défense des êtres sentients. Dont acte, cela me permet de nuancer mon propos.
Malheureusement, l’heure tourner et c’est déjà la fin du cours. J’ai l’impression d’avoir survolé ce sujet. Comme à chaque fois. Je me demande s’il faudrait cadrer plus. Choisir un livre critique, une situation historique ou un exemple emblématique. J’ai toujours l’impression d’embrasser trop grand et de mal étreindre. Une question pédagogique qui reste ouverte.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Emmanuel Bodinier (9 décembre 2022). Cours du 28 novembre 2022. Justice des mondes vivants. Consulté le 6 novembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/vp0n